Lawrence d'Arabie, la légende, ne pouvait être tué que par une balle en or, et pourtant T. E. Lawrence, l'homme, mourut d'un banal accident de la circulation en conduisant sa moto. Il percuta un cycliste, fit un vol plané et s'ouvrit le crâne contre le bitume.
On dit que sa tête était ouverte sur vingt- trois centimètres et que, selon des témoins, des morceaux de son cerveau en dépassaient. Il mourut six jours après le choc. S'il avait survécu, c'est depuis un fauteuil roulant que ce héros de légende aurait assisté au reste de son histoire.
Vingt-cinq ans plus tôt cependant, un Lawrence plein de jeunesse et de curiosité pédalait avec ardeur dans toute la France, puis à travers la Syrie, libre, sans pressentir le poids d'une existence qui ferait de lui l'Anglais le plus célèbre et controversé du XXème siècle (après Churchill et Robert Falcon Scott, bien sûr). En 1906, âgé de dix-neuf ans à peine, et jusqu'en 1914, Ned, comme on l'appelait à la maison, quitta Oxford pour entreprendre un voyage qui, s'il ne le transforma pas en Lawrence d'Arabie, lui ouvrit la voie pour le devenir.
Oubliez un instant que ce garçon cultivé, raffiné, fut le grand héros de la révolution arabe (ou le grand traître à la cause d'un peuple qui s'était fié à lui, les deux qualificatifs lui sont également appliqués). Et voyez si vous êtes en mesure de profiter de ce voyage, sans le poids de la légende.